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Rencontre avec Negareh Ayat, artiste iranienne et clichoise engagée dans la lutte pour les droits des femmes

Solidarité - Publié le 27 février 2025
Negareh Ayat
À l'approche de la Journée internationale des femmes et des actions mises en place partout en Ville, nous avons rencontré Negareh Ayat, une femme récemment installée à Clichy qui se bat depuis toujours pour ses droits et celles des autres.

Parle nous de ton parcours, comment es-tu arrivée à Clichy ?

Negareh Ayat : J’ai étudié aux Beaux-arts de Téhéran et en 2001 je suis venu à Paris à la Sorbonne. J’aime travailler dans mon atelier et au bout d’un an je suis donc rentrée à Téhéran. Pendant vingt ans j’ai été entre les deux pays, la France et l’Iran et j’ai aussi multiplié les résidences d’artistes et les expositions dans le monde entier. Lorsque la révolution a éclaté, j’étais à Clichy chez mes parents. J’ai choisi de rentrer en Iran afin de prendre part au mouvement. On était tellement sûrs que c’était la fin, que l’on pourrait enfin être libre ! Pendant plusieurs mois j’ai donc participé à toutes les manifestations, j’étais aussi correspondante et écrivais des articles anonymes pour des medias français afin de les informer de ce qui se passait en Iran. Et puis à un moment j’ai été convoqué par les services secrets. La situation était vraiment dangereuse parce que j’étais toute seule, sans personne pour prendre de mes nouvelles si jamais j’étais emprisonnée. Comme mon visa pour la France était encore valable, j’ai pris le premier vol pour Paris sans savoir si réellement je pourrai passer les contrôles à l’aéroport et en quelques heures j’ai tout quitté. Ma carrière d’artiste en Iran, mon appartement, mes amis, toute ma vie à Téhéran, ma ville, pour m’installer à Clichy chez ma mère.

Le 8 mars, c’est la Journée internationale des droits des femmes, qu’est ce que cela représente pour toi ?

Negareh Ayat. : C’est très chargé émotionnellement pour moi. D’abord, parce qu’en tant qu’Iranienne née et élevée dans une famille progressiste, je participais chaque année, malgré les risques et les réprimandes violentes, aux manifestations organisées à Téhéran le 8 mars pour la défense des droits des femmes. Ensuite, lorsque j’ai fui mon pays en janvier 2023, j’avais emporté dans ma valise, quatre petits tableaux d’une série que j’ai appelée « les Exécutées ». À l’occasion du 8 mars 2023, je les ai présentés à Blois dans le cadre d’une exposition où j’avais été invitée. Le Maire de la ville et son équipe ont été très sensibles à mon histoire et m’ont apporté leur soutien pour l’obtention de mes papiers. Donc pour mois le 8 mars c’est aussi le symbole du commencement de ma nouvelle vie

Comment s’illustre la cause des femmes dans ton travail artistique ?

Negareh Ayat : En Iran il y a beaucoup de censure, en particulier dans le domaine de l’art. L’art est sous surveillance permanente car il y est question de politique, de féminisme. En Iran j’avais donc toujours l’appréhension que mes expositions soient annulées, que mes œuvres soient confisquées ou que mon atelier soit perquisitionné. Donc quand je travaillais là-bas, c’était comme si je divisais ma tête, mes idées, mes sentiments et je me censurais moi-même pour que mon travail ne le soit pas. Mais j’avais la chance d’avoir aussi une vie artistique en dehors de l’Iran grâce à mes résidences en Allemagne, en France, à New-York. Alors à ces moments-là j’étais totalement libre dans mon travail. Je pouvais par exemple travailler les figures féminines nues que je ne pouvais pas montrer en Iran. C’était ma façon de survivre. Aujourd’hui vivre en France me permet d’être libre dans mon travail artistique mais avec une responsabilité supplémentaire. J’ai quitté l’Iran mais le destin des autres combattantes, et le combat qui continue, cela reste en moi.

Tu es positive sur l’issue de cette révolution Femme ! Vie ! Liberté !

Negareh Ayat : Oui je suis positive parce que deux ans après les femmes n’ont pas remis le Hijab et les agents du gouvernement ont annoncé qu’ils ne pouvaient rien faire et qu’il fallait peut-être accepter que les femmes ne veuillent pas porter cet uniforme qu’on les oblige à mettre. Donc ça c’est déjà gagné. Il continue malheureusement à y avoir chaque jour des exécutions, surtout pour les minorités comme les Kurdes. Mais le combat continue. Cette génération qui n’a même pas vingt ans sait qu’elle n’a rien à perdre, « je sors, je meurs ou je gagne ». C’est vraiment triste mais c’est ça le moteur de cette révolution et le régime ne peut pas le stopper. D’autant qu’il a déjà perdu tous ses alliés, au Proche-Orient, en Syrie. Donc selon moi le destin de l’Iran est pour moitié dans entre les mains de son peuple mais dépend aussi des décisions mondiales.

Pour en découvrir plus sur le travail de l’artiste
Suivez la sur Instagram : @negareh_Ayat

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